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DENIS PANTIS : DU 45-TOURS AU NUMÉRIQUE

Jukebox le film
Denis Pantis - Jukebox - La Ruelle Films

Il est un des principaux architectes du showbizz québécois. Il a cumulé plus de numéros 1 aux palmarès de la province que tout autre producteur local et engrangé des ventes records de disques durant les années 60. Sa contribution à l’industrie musicale est immense; son influence, indubitablement majeure… Qui était ce faiseur d’idoles largement méconnu du grand public et dont l’œuvre, pourtant colossale, demeure injustement ignorée par ses pairs ?

Né à Montréal le 19 avril 1942, Dionysos Spiros Pantis dit Denis Pantis grandit au sein de la communauté grecque du quartier Mile-End. Lorsque sa famille déménage au début des années 50 dans le nord pour inaugurer un snack-bar à Cartierville, le jeune homme s’affaire en cuisine et enfile les commandes au rythme du jukebox de la place.

Les hits américains et les numéros de chanson française des années 50 l’initient en rotation à toute une variété de succès internationaux.

Image tirée du film Jukebox - La Ruelle Films

La véritable piqûre pour le showbizz viendrait avec la naissance du rock’n’roll, l’ascension d’Elvis Presley ainsi qu’un simple regard complice avec son idole Bill Haley lors de son passage au Parc Belmont en 1956. Lecteur assidu des magazines Billboard et Cashbox, Pantis entretient parallèlement le rêve d’être chanteur. Suivant le décès de sa mère en 1958, il décide de se consacrer pleinement à la musique.

Denis Pantis - Jukebox - La Ruelle Films

Deux ans plus tard, alors qu’il amorce ses études en commerce au Collège Loyola, il se produit déjà dans les cabarets montréalais, prend notamment part à une tournée du nord-est des États-Unis et croise sur scène des vedettes telles Bobby Rydell, Del Shannon et Jerry Lee Lewis. Il signe dorénavant une chronique pour le magazine Cashbox et fait ses véritables débuts sur disque en gravant à ses frais et en distribuant lui-même un 45 tours pour Trevor Payne avec son groupe The Hounds sur sa propre étiquette: Lark.

Il opte rapidement pour un nom d’artiste plus accrocheur; sa carrière de chanteur, il la ferait maintenant sous le sobriquet de Dante. Son premier disque en solo et dans le vent, il le finance, l’arrange et l’orchestre à l’arraché pour le compte de Trans-Canada à l’été 1961. Timidement diffusée, sa vibrante co-composition Tu me possèdes trouve toutefois écho auprès du producteur sherbrookois Russell Marois des disques Météor. Impressionné par sa production, ce dernier l’enrôle afin de dynamiser le premier long jeu d’une jeune et fougueuse chanteuse… Michèle Richard. Denis n’a que 19 ans.

Le Twist - Jukebox - La Ruelle Films

Le succès fulgurant de l’album Twist lancé en décembre 1961 et vendu à 100 000 exemplaires consolide la réputation du jeune producteur et ne passe pas inaperçu auprès de Jean-Paul Rickner, directeur de la nouvelle compagnie de distribution Trans-Canada. L’entreprise se spécialise déjà dans la vente de jukebox et la distribution de disques, mais cherche maintenant à diversifier ses opérations pour mieux rejoindre sa clientèle-cible adolescente. Pantis y est embauché comme représentant, tout en produisant divers artistes rhythm’n’blues pour le compétiteur Adanac Music. Il supervise ainsi plusieurs enregistrements sur les étiquettes ABC (1962) puis Cavalier (1963) pour Frank Motley and His Motley Crew, Ray Combo, Ronnie Lane & The Capers et The Rockets pour ne nommer que ceux-ci. Il s’avère difficile de vendre ces artistes anglophones en province, mais Pantis a fait ses preuves. Il s’associe bientôt avec Jean-Paul Rickner et les cousins Gaétan et Pierre Laniel pour fonder en 1963 l’étiquette Franco Musique.

Mon but, c’était de produire des hits. La clé, c’était de faire des versions.

« C’était américain, mais ça [sonnait­] québécois.» Sans jamais délaisser sa carrière de chanteur (encapsulée sur trois albums et dix-sept 45 tours), Denis Pantis s’impose dorénavant comme dépisteur de talents, promoteur infatigable et producteur de disque. En 1964, alors qu’il ajoute l’étiquette Jeunesse Franco à son curriculum, il mousse déjà les carrières des chanteurs Gilles Brown (qui devient rapidement son principal et plus prolifique parolier), Robert Demontigny et Pière Sénécal tout en ayant le flair de racheter le contrat de Michèle Richard qu’il supervise aussitôt chez Trans-Canada.

Denis Pantis - Jukebox - La Ruelle Films

Pantis ne chôme pas et capitalise comme aucun autre producteur sur la popularité des groupes dès les premiers balbutiements de la British Invasion de ce côté-ci de l’Atlantique, en recrutant de charismatiques formations tels Les Classels (Ton amour a changé ma vie), Les Baronets (Est-ce que tu m’aimes?) et les Bel Canto (Découragé). L’année suivante, il récidive avec Blue Jeans et Télédisc en signant entre autres Les Sultans (La poupée qui fait non), Les Bel Air (Cheveux longs) et Les Mersey’s (Si tu m’aimes) avant d’acquérir l’étiquette Citation en 1966 et ainsi ajouter César et les Romains (Je sais), Les Milady’s (Sugar town), Les Gendarmes (Carole) et Les Chanceliers (Le p’tit popy) à cet impressionnant tableau. Pantis multiplie les véhicules promotionnels afin de maintenir le rythme effréné des sorties hebdomadaires et dominer les ondes et les palmarès. Entre 1964 et 1966, il supervise la production de 15 albums et 80 simples. Il est une fabrique de stars à lui-seul.

Denis Pantis

Pantis anticipe déjà la fin d’une époque et se déleste au même moment de plusieurs contrats afin de miser sur ses nouvelles étiquettes Spectrum (1969) et PAX (1970) tout en priorisant les carrières en solo des idoles Bruce Huard (Les Sultans) et Simon Brouillard (Les Lutins). Profitant de l’engouement pour le cinéma de fiction québécois alors que des films comme L’Initiation et Deux femmes en or cartonnent, il finance et produit Finalement en 1971. Le long métrage de Richard Martin mettant en vedette Chantal Renaud innove, notamment en laissant une large part à la musique des artistes du producteur, autant à l’écran que sur la bande sonore qui l’accompagne. Le film s’avère cependant être un échec commercial.

L’omniprésence médiatique de ses artistes s’amplifie avec de nombreux passages à la populaire émission télévisée Jeunesse d’Aujourd’hui tout comme à travers les pages de Photos-Vedettes, un journal créé sur mesure par Pierre Péladeau pour les protégés de Pantis. C’est en 1967 qu’il s’entoure d’une petite équipe et fonde les Industries Denis S. Pantis afin de regrouper ses opérations et miser davantage sur la promotion et la gérance d’artistes. Il lance simultanément une nouvelle étiquette, DSP, qui s’empresse de signer Michel Pagliaro (Comme d’habitude) et Renée Martel (Liverpool). Le nombre de productions explose alors que les succès s’enchaînent au point où en 1968, on estime que les artistes signés à Pantis occupent 24% du marché pop francophone et représentent 11% des ventes totales de disques au Québec! Le Festival du Disque de 1969 couronne cet exploit en remettant à DSP le prix de la “Meilleure étiquette pour les productions destinées à la jeunesse”.

Sans toutefois délaisser la production d’albums, Pantis ralenti la cadence et diversifie son porte-feuille. Avant-gardiste, il entreprend d’acheter des milliers de bandes maîtresses alors que plusieurs étiquettes et studios de la province ne cherchent qu’à se débarrasser de leurs catalogues, faute d’espace ou tout simplement d’intérêt. En plus de sauvegarder ces documents inestimables, il recycle au cours des années 70 plusieurs de ces enregistrements sur ses étiquettes Les Archives du disque québécois et Millionnaire et par le biais d’un partenariat avec le géant K-Tel. C’est en 1981 qu’il fonde Les disques Mérite, la première entreprise principalement dédiée à la réédition du catalogue musical québécois des décennies passées, celles-là mêmes qu’il a jadis façonné. Longtemps seul à évoluer dans ce créneau, il s’est ainsi porté acquéreur de plus de 80% du matériel enregistré en province entre 1950 et 1980. Il a depuis assuré -et en quelques sortes personnifié- la pérennité de l’histoire musicale québécoise.

Tout en dirigeant sa boutique Le marché du disque à Montréal durant les années 1990 et 2000, Denis Pantis remet ainsi sur le marché des dizaines d’albums et compilations sous forme de cassettes, de disques compact et maintenant en format numérique. Celui qui encore de nos jours ne quitte jamais les studios d’enregistrement et milite sans relâche pour mieux actualiser notre passé semble décidément prêt à reconquérir le public et à rejoindre une nouvelle générations de mélomanes. –

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