LES PERSONNAGES DE JUKEBOX
DENIS PANTIS
ORIGINE SYMBOLIQUE : l’Olympe, en tant que demi-dieu de la mythologie grecque.
ORIGINE PHYSIQUE : a grandi dans un jukebox, ou plus précisément, a dormi directement au-dessus du jukebox dans le restaurant de son père, à Cartierville, en face du parc Belmont.
MOMENT MARQUANT : rencontre Bill Haley à l’arrière-scène au Parc Belmont et obtient un autographe.
LECTURE MARQUANTE : la bible de l’industrie de musique, la revue Cashbox, à laquelle il finit par collaborer en tant que chroniqueur pour le Canada français.
MOMENT MARQUANT NO 2 : rencontre au Brill Building de New York, véritable usine à succès du fameux Doc Pomus (créateur prolifique, fournisseur de succès pour Elvis, les Drifters et nombre d’autres) ; celui-ci l’encourage à se lancer pour de bon dans la réalisation et la production de 45 tours.
PRODUCTIONS ET RÉALISATIONS À SUCCÈS : innombrables (ses artistes tapissent les palmarès pendant une bonne décennie)
TITRE DE GLOIRE : il est la bougie d’allumage, le moteur et le véhicule de la chanson populaire dans les années 1960, il tient le premier rôle dans la mise en place d’une industrie du disque au Québec.
TITRE DE GLOIRE NO 2 : il a sauvé des poubelles et de l’oubli plus de 14 000 bandes maitresses faites au Québec, rachetant les catalogues de dizaines de compagnies de disques qui ferment boutique.
TITRE DE GLOIRE NO 3 : le film Jukebox d’Eric Ruel et Guylaine Maroist, lancé en 2020, raconte son extraordinaire épopée.
MICHÈLE RICHARD
ORIGINE : le violon de Ti-Blanc Richard.
STATUT : star.
SURNOM QUE LUI DONNE DENIS S. PANTIS : « my marching band ».
CHANSON QUE LA CHANTEUSE DÉTESTE : Les boîtes à gogo.
CHANSON QUE TOUT LE MONDE AIME SAUF LA CHANTEUSE : Les boîtes à gogo.
CHANSONS EMBLÉMATIQUES : Je suis libre, Je survivrai, J’entends son violon.
CARACTÉRISTIQUE : crève l’écran.
PREMIÈRES PAGES DES JOURNAUX ET HEBDOS : innombrables.
ORIGINE : Liverpool, Londres et Drummonville.
LIGNÉE : royale ; elle est la fille de Noëlla Thérrien et Marcel Martel.
CARRIÈRE : commencée à l’âge de cinq ans, idole dans les années 1960, reine du country depuis.
CARACTÉRISTIQUE MUSICALE : elle écrit elle-même les adaptations de ses succès.
CARACTÉRISTIQUE INDÉNIABLE : belle comme un cœur, ce qui rime avec « la fille pousse un cri pareil au cri d’un remorqueur ».
CARACTÉRISTIQUE VOCALE : un timbre très particulier, un peu rauque dans les basses, très pur dans les hautes.
RESSEMBLANCES HOMOLOGUÉES : Marie Laforêt, Marianne Faithfull, Nancy Sinatra.
DURABILITÉ : exceptionnelle, considérant les épreuves traversées.
NOM COMPLET : Bruce Huard (à ne pas confondre avec le millionnaire-philanthrope Bruce Wayne, alter ego de Batman).
ORIGINE : Saint-Hyacinthe, à la pointe du Triangle d’or des groupes yéyés (Sorel, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean-sur-Richelieu.
STATUT : idole des jeunes, dont le culte a un nom, la Bruçomanie.
MODÈLE : Colin Blunstone, chanteur soliste du groupe britannique The Zombies.
CARACTÉRISTIQUES INDÉNIABLES : beau comme un cœur, chante comme un ange, roule ses r.
CARRIÈRE SOLO : de la fin des Sultans (en 1968) au milieu des années 1970 ; plusieurs retours.
VIE PARALLÈLE : témoin de Jéhovah.
CHANSONS MÉMORABLES SUR LE MÊME THÈME : L’amour, l’amour, l’amour, Je pleure, Une fille comme toi.
LES CLASSELS
ORIGINE : Montréal et Chicoutimi
APPELLATION D’ORIGINE : Special Tones
APPELLATION CONTRÔLÉE : les Classels, juxtaposition de « class » et « sells ».
INSPIRATION: Classy le roi du tuxedo de mariage, généralement d’un blanc immaculé.
TRIVIA: leurs titres ont souvent le même nombre de syllabes (Ton amour a changé ma vie, Avant de me dire adieu, N’attendons pas qu’il soit trop tard, Qu’est devenu notre passé).
CARACTÉRISTIQUE MUSICALE : l’utilisation immodérée de la boite de réverbération Echolette.
CARACTÉRISQUE VOCALE : la voix géante de Gilles Girard, inversement proportionnelle à sa petite taille.
LONGÉVITÉ: éternelle.
LES SULTANS
ORIGINE : Saint-Hyacinthe, le « Liverpool » québécois.
APPELLATION D’ORIGINE : Les Dots
APPELLATION DÉFINITIVE : Les Sultans (sans costumes ni turbans, rejetés par le groupe).
GROUPE PRÉFÉRÉ : The Zombies, dont ils adaptent plusieurs titres.
CHANSON À LAQUELLE ILS ONT D’ABORD DIT NON : La poupée qui fait non.
CHANSONS ORIGINALES DE QUALITÉ SUPÉRIEURE : Pour qui pourquoi, L’amour s’en va, Tout le monde me dis qu’elle est belle.
CARACTÉRISTIQUES : le chanteur à la voix la plus douce de l’univers (Bruce Huard), les plus belles harmonies (Denis Forcier).
NOMBRE : trois.
À SAVOIR : Denise Biron et les sœurs Levasseur, Hélène et Andrée. Trio vocal
ORIGINE : la Mauricie (dans la vie) et l’Angleterre (pour le nom).
ORIGINE DE L’APPELLATION NO 1 : toutes trois sont distinguées, appliquées, travaillantes, jolies, douées, gentilles et de bonne famille, de véritables « petites dames ».
ORIGINE DE L’APPELLATION NO 2 : dans la série britannique Thunderbirds (Les Sentinelles de l’air), créée en 1964, le chauffeur de l’aristocrate agente Lady Penelope l’appelle M’lady. Tout ce qui touche l’Angleterre des Beatles est à la mode.
ORIGINE DE L’APPELLATION NO 3 : de mauvaises langues prétendent qu’étant toutes trois petites, on les a tout simplement baptisées les Mi-lady’s.
GIMMICK : elles aiment se déguiser en fonction des chansons, et c’est en clochardes qu’elles chantent Trois petits vagabonds, en fillettes qu’elles fondent Sugar Town, en Dupont et Dupond qu’elles tiennent compagnie à la « demoiselle si jolie » dans Monsieur Dupont.
RÉSULTAT D’INTERROGATOIRE : les trois jurent qu’elles ignoraient que le sucre dans Sugar Town était dans la version originale par Nancy Sinatra une allusion au LSD.
CHARME : fou.
DURABILITÉ : elles chantent encore, et se retrouvent chaque année.
LES BARONETS
ORIGINE : l’émission de radio Les Découvertes, animée par Billy Monro à CKVL.
PARTICULARITÉ PHYSIQUE : ils ont trois têtes, mais un seul corps.
DÉBUTS : les Baronets sont d’abord des fantaisistes traditionnels qui alternent sketchs, imitations et chansonnettes.
COUP DE GÉNIE : adapter les succès des Beatles, Dave Clark Five et autres Freddie & The Dreamers avant tout le monde.
COUP DE GÉNIE NO. 2: René Angelil et Pierre Labelle chantent en 1971 J’ai un sideline payant, puis Angelil s’en trouve un: maître du monde.
LES BEL-AIR
ORIGINE : la région de Québec.
GÉRANCE : le touche-à-tout Jean Beaulne des Baronets.
GIMMICK TEMPORAIRE : après les toupets blancs des Classels et les couettes roses des Excentriques, Les Bel-Air se font teindre les tignasses en bleu. Mauvaise conjoncture : les Schtroumpfs ne sont pas encore sortis de la forêt de Brocéliande.
MOMENT GÊNANT : le solo de guitare au beau milieu de leur adaptation du Time Is On My Side des Rolling Stones (Tant de choses à dire) est le plus raté de l’histoire de l’Humanité.
CHAMP D’ACTION : vaste. Leur répertoire puise autant chez un Nougaro que chez Fred Astaire, un Otis Redding ou Cannibal et ses Headhunters.
Ils proposent tout un disque western, incluant leur plus grand succès Marchant dans la plaine. En fin de parcours et en désespoir de cause, ils se la joueront psychédéliques avec l’excellente Kyrie Eleison.
LES GENDARMES
ORIGINE : Saint-Tropez et Dolbeau-Mistassini.
GIMMICK : le costume de la gendarmerie française, inspiré par la série à succès de films avec Louis de Funès (Le gendarme de Saint-Tropez, Le gendarme se marie, etc.)
CARACTÉRISTIQUE VOCALE : Guy Harvey, dans la veine de Gilles Girard des Classels, a un coffre-fort, des poumons puissants et n’est pas très grand.
SPÉCIALITÉ : la note qui tue, poussée dans À quoi bon pleurer, Ne me quitte pas, Cara Mia.
MODÈLES : Mario Lanza, Neil Sedaka, Luis Mariano.
DURABILITÉ : plusieurs décennies, le temps que Guy Harvey tint la note. Chanteur et note se sont éteints en 2016.
ORIGINE : Saint-Hyacinthe, la capitale mondiale des groupes yéyés québécois.
APPELLATIONS : The Corvet’s au temps des salles de danse et du rock’n’roll instrumental (1962-1964), Les Aristocrates durant la première vague post-Beatles (1965-1966), et finalement Les Aristos (1967-1968).
GIMMICK : malgré leurs noms, ils ne s’habillent ni en carrosserie de Corvette Stingray décapotable ni en ducs, barons et autres princes de sang bleu.
GOUT : très sûr. À l’instar des Sultans, ils adaptent les meilleurs : Beau Brummels, Donovan, Beatles, Love, Young Rascals.
STATUT : culte.
VALEUR INTRINSÈQUE : leurs compos originales —Quand l’amour est là, Cette chanson, elle est pour toi — se comparent avantageusement à leurs modèles britanniques et américain.
PERPÉTUATION : deux ex-Aristos se transplantent au sein du trio Le Cœur d’une génération, et la greffe réussit au-delà des attentes. Pierrot les cheveux, chanson à la gloire du « parfum des mages et des odeurs du p’tit voyage », plane au sommet du palmarès en 1969.
LES BEL CANTO
ORIGINE : quintette de Québec.
GIMMICK : leurs habits de velours, les chemises à jabots de dentelles et leur coupe à la D’Artagnan en font des « chevaliers de la chanson ».
INSPIRATION : le groupe américain The Beau Brummels, qui jouait déjà la carte dandy romantique chevaleresque.
RÉPERTOIRE : extrêmement varié, pigeant tout autant chez Vigneault (Jack Monoloy) et Ferland (Feuille de gui) que chez les Everly Brothers (Seul).
ORIGINALITÉ : dès 1965, ils signent majoritairement leurs chansons, dans le style des groupes britanniques, à commencer par la formidable Découragé.
MOMENT DE GLOIRE : ils enregistrent en 1969 aux studios EMI d’Abbey Road et, à l’instar des Beatles, traversent la fameuse rue.
GIMMICK NO 2 : en 1968, alors que le mode des groupes yéyés s’étiole, ils multiplient les « novelty songs » enfantins, Coui-coui, Mon petit doigt, Un nouveau chapeau.
GIMMICK NO 3 : en 1970, ils tentent un virage psychédélique et deviennent Les Kantos tout court. Mais trop tard.
GOLIATH ET LES PHILISTINS
ORIGINE : biblique et montréalaise.
GIMMICK : groupe à costume dont Denis Bédard, le chanteur gigantesque, tient le rôle de Goliath.
SUCCÈS RELATIFS : Jezabel, Le joyeux géant vert.
GUITARISTE APPELÉ À UNE BELLE CARRIÈRE : Red Mitchell.
MOMENT DE GLOIRE : la première page quatre couleur du Perspectives-Dimanche.
DURABILITÉ : éphémère, la gimmick biblique ayant déjà servi pour César et les Romains.
ORIGINE DES SHADOLS: montréalaise.
HISTOIRE : brève.
NOMBRE DE 45 — TOURS : trois, dont les faces A et les faces B sont toutes des compositions originales.
IMPORTANCE HISTORIQUE : leur principal chanteur et auteur-compositeur a pour nom Marc Hamilton.
ORIGINE DES MONSTRES : l’insuccès des Shadols.
GIMMICK : déguisements monstrueux divers —La Momie, Dracula… – et accessoires assortis, dont un véritable cercueil.
CONSÉQUENCE DE LA GIMMICK : on va les voir, pas les entendre. Ils demeurent parfaitement inconnus derrière leurs accoutrements.
DESTIN INCROYABLE ET TRAGIQUE : la première chanson en solo de Marc Hamilton, Comme j’ai toujours envie d’aimer, est un tube planétaire, disséminé à 1 500 000 exemplaires. On cache au public européen l’origine québécoise du chanteur, que l’on fait passer pour un Britannique. À la fois anonyme et tristement célèbre, Marc Hamilton se videra le cœur dans son autobiographie intitulée La chanson qui m’a tué.
ORIGINE : conte des Mille et une nuits.
GIMMICK : variante des costumes inspirés par les films bibliques.
FAIT NAVRANT : la formidable chanson Shish Kebab Yéyé (adaptation de Habibi Rock, par Bob Azzam, chanteur égyptien d’origine libanaise, surtout connu en France) ne connait pas le moindre succès.
MORALE DE L’HISTOIRE : il ne suffit pas de dire « Sésame ouvre-toi ! » pour que Sésame s’ouvre.
HAPPY END: le « musical » documentaire Jukebox relance la chanson, qui triomphe auprès d’un public jeune.
NÉ : dans le commerce de détail.
ORIGINE : le magasin Brown de son père, rue Adam, au cœur du quartier Hochelaga-Maisonneuve.
SUPER POUVOIR : écrit plus vite que son ombre des paroles en français sur les succès du Hit Parade américain.
SUPER POUVOIR NO 2 : il a l’odorat du succès surdéveloppé ; avec son ami Pierre Laurendeau, il forme Les Valentins et cartonne avec Parce que.
RAISON DU SUCCÈS DE PARCE QUE : parce que ses yeux sont « si troublants », les filles l’aiment « éperdument ».
EXEMPLE D’ADAPTATION PARFAITE : C’est toi que j’aime (Only The Lonely, de Roy Orbison).
PREMIER MÉTIER : bel homme, chanteur convenable et vedette que les parents aiment aussi.
DEUXIÈME MÉTIER : agent secret (pour le compte de Denis S. Pantis).
MICHEL CONSTANTINEAU
ORIGINE : employé chez Laniel Amusements à partir de 1963, au département du marketing.
TITRE DE GLOIRE : a littéralement inventé les tournées promotionnelles, les lancements de disques, la mise en valeur stratégique des artistes de chez Trans-Canada, la compagnie de disques des cousins Laniel.
CITATION : « On a élaboré un plan. On allait rencontrer les gens, les postes de radio, les directeurs, les disc-jockey, on répondait à leurs besoins et on les devançait. On leur disait : “On reviendra dans la région avec un artiste, est-ce que vous voulez faire une entrevue ?” Dans les régions où il y avait plus de demande, on partait avec l’artiste. On essayait d’avoir plus d’espace dans le magasin, en enlever un petit peu aux Européens et aux anglophones. Avoir des présentoirs exclusifs à nous. »
CARRIÈRE APRÈS SES « ANNÉES PANTIS » : il devient lui-même producteur de disques, puis se retire en 1979 ; il est aujourd’hui courtier en placements pour les artistes.
PIERRE TRUDEL
ORIGINE : apprenti journaliste dans les publications de Pierre Péladeau.
TITRE : après six mois dans le métier, il devient le premier rédacteur-en-chef de l’hebdo « pour jeunes » Photo-Vedettes.
TITRE DE GLOIRE : le succès de Photo-Vedettes est phénoménal, et contribue grandement à la mise en marché des artistes et des disques, à commencer par l’écurie Pantis et ses nombreuses étiquettes de disques.
ORIGINE : présidente du fan-club de Gilles Brown, elle devient la secrétaire de Denis S. Pantis en aout 1965. C’est sa toute première employée, qui va s’avérer indispensable.
CARACTÉRISTIQUES : débrouillardise, dévouement et amour indéfectible pour les artistes.
CARRIÈRE : elle a gravi tous les échelons de l’industrie du disque, a dirigé les disques London, Kébec-Disc et Musicor. Claude Dubois, Marjo, Ginette Reno, Gerry Boulet, Roch Voisine et bien d’autres lui doivent beaucoup.
PREMIER CONSEIL DE DENIS : « Écoute Ginette, raconte-t-elle, c’est certain que t’as des artistes préférés. Mais là, tu vas en avoir une vingtaine à être en contact, soit par téléphone ou à les rencontrer. Essaie de trouver quelque chose en chacun d’eux, une qualité, quelque chose qui va se démarquer. » Elle s’attachera à toutes et tous.
ORIGINE : l’entrepôt de Laniel Amusements.
PROMOTION MARQUANTE : les cousins Laniel lui confient les rênes des compagnies créées à mesure que leur modèle d’affaires grossit : Distribution Trans-Canada, et puis les disques Trans-Canada.
MOMENT MARQUANT : c’est lui qui reçoit Denis Pantis et lui propose une association.
CITATION : « Tu vas avoir ton bureau ici, tu vas être au cœur de notre réseau de distribution. Tu veux produire des hits ? Tu vas en vendre des “records”, mon gars ! »
SUCCÈS : avec les succès à profusion que lui fournit Denis Pantis, Trans-Canada devient dominant dans le marché du disque au Québec, délogeant les multinationales, développant une chaine de production et de distribution locale.
FAIT MARQUANT APRÈS LES « ANNÉES PANTIS » : en janvier 1976, les Laniel et Rickner vendent Trans-Canada à Pierre Péladeau pour la somme de 1 550 000 $. Trans-Canada deviendra Musicor.